3.3 Antisémitisme

Houria Bouteldja dénonce le philosémitisme d’État et le colonialisme israélien. Le premier correspond à une forme subtile et sophistiquée de l’antisémitisme de l’État-Nation puisque, tout en maintenant les Juifs dans une catégorie sociale-politique à part, il traite de manière privilégiée la répression de l’antisémitisme par rapport aux autres racismes. Le second traduit l’oppression dont souffre le peuple palestinien et la poursuite de l’impérialisme occidental.

Elle écrit à ce titre, dans son livre Les Blancs, les Juifs et nous : vers une politique de l'amour révolutionnaire, que « Les Juifs sont les boucliers, les tirailleurs de la politique impérialiste française et de sa politique islamophobe ».

En 2013, Houria Bouteldja pose sur une photographie près d’une pancarte où est écrit « Les sionistes au goulag ». Si elle est pour cela accusée d’antisémitisme, il doit être rappelé que tous les sionistes ne sont pas Juifs, et tous les Juifs ne sont pas sionistes, le sionisme étant une idéologie raciste-colonialiste, objet d’une adhésion individuelle et que c’est précisément l’amalgame juif = sioniste fait notamment par Guénolé qui est antisémite. Tout comme considérer que tous les musulmans sont islamistes ou tous les chrétiens d’extrême droite.

Lui est également reproché le passage de son livre où elle écrit qu’« on ne reconnaît pas un Juif parce qu’il se déclare Juif mais à sa soif de vouloir se fondre dans la blanchité, de plébisciter son oppresseur et de vouloir incarner les canons de la modernité ». Mais ses détracteurs oublient alors de citer la suite immédiate de cette phrase, qui est « Comme nous », mettant par là même en exergue la soif partagée des Juifs et des Indigènes de s’intégrer dans le monde blanc.

Une nouvelle polémique éclate en 2020, après qu’elle a déclaré, s’exprimant sur les réactions d’hostilité partagées par de jeunes Arabes sur les réseaux sociaux à la suite de l’élection d’April Benayoun en qualité de dauphine du concours Miss France, « On ne peut pas être Israélien innocemment ». Comme précédemment, « Israélien » désignait ici le statut de colon dans le cadre particulier de la domination de la Palestine, et n’était en aucune manière synonyme de « Juif ». Mediapart a pourtant retiré son texte, dans les colonnes duquel il était initialement paru, sans explication alors qu’Edwy Plenel lui-même avait écrit en 2012 un article intitulé « nul ne colonise innocemment[1] » reprenant à son compte la célèbre citation d’Aimé Césaire.

Une pétition de soutien a toutefois été publiée par le collectif acta.zone et par l’UJFP, soulignant la tradition littéraire et politique émancipatrice dans laquelle s’inscrit Houria Bouteldja, et recueille les signatures, entre autres, de Gil Anidjar, Ariella Aïsha Azoulay, Alain Brossat, Georges Gumpel, Alana Lentin, Joseph Massad, Maboula, Soumahoro et Isabelle Stengers.