Obama président. Pas un rêve, un mirage…, Houria Bouteldja pour les nuls
Théorie/analyses

Obama président. Pas un rêve, un mirage…

Publié le 4 novembre 2008 sur le site du PIR.

« Je ne peux m’empêcher de penser combien mon père serait fier, fier de Barak Obama, fier du parti qui l’a nommé et fier de l’Amérique qui va l’élire ». Ces paroles ont été prononcées par le fils de Martin Luther King lors du 45ème anniversaire du discours « I have a dream ». En effet, à cette époque, le célèbre pasteur n’aurait jamais osé imaginer qu’un jour, un Noir briguerait la plus haute instance de la nation la plus puissante du monde.

Le pasteur Martin Luther King aurait eu raison d’être fier, car s’il n’avait pas existé, si Malcolm n’avait pas existé, si les luttes pour les droits civiques n’avaient pas existé, Obama n’existerait pas. Comme Luther King, nous, indigènes de France ou du monde, ne pouvons nous empêcher d’être fiers. Qu’Obama soit là où il est, est indéniablement un évènement à l’échelle américaine, mais aussi à l’échelle mondiale.

Pourtant, nous savons qui est Obama. Un homme de l’establishment américain. Même s’il nous tarde de voir Bush et consort dégager, nous savons qu’Obama poursuivra la politique impérialiste de son pays. Il serait en effet naïf de croire que le système américain et ses institutions permettent à quiconque l’accès à un tel niveau de pouvoir s’il ne leur est pas acquis. Comme le dit ce frère africain sur le blog de L’Express (13/06/08) : « Pour moi, Obama est américain avant d’être noir et en tant que tel il anéantira les Africain, les Irakiens, les Palestiniens, etc., s’il le faut pour le bien être des Occidentaux ». Les Irakiens et les Afghans savent intimement qui sont les Colin Powel et Condoleeza Rice. Nous ne pouvons ignorer ce que Obama sera.

Alors pourquoi, nous indigènes, sommes-nous si fiers ?
Pourquoi, nous indigènes, avons-nous, quand même, le sentiment qu’Obama nous représente ?

Pourquoi, alors que nous savons qu’Obama prendra soin de défendre le système américain, construit sur la destruction des Indiens, l’esclavage des Noirs, le pillage incessant de l’Afrique, avons-nous pourtant le sentiment qu’il représente cette même Afrique dévastée par les impérialismes ? Qu’est-ce qui nous brûle la bouche au point de détourner pudiquement nos regards de ce champ de bataille que ne cesse d’être l’Afrique où s’affrontent les puissances américaines, européennes et chinoises ? Comment notre cerveau peut-il faire abstraction de ces fleuves de sang qui vont continuer de couler chez nous en Amérique latine, chez nous dans le monde arabo-musulman, chez nous dans notre terre ancestrale, de l’autre côté de la Méditerranée ?

La réponse est douloureuse : nous sommes fascinés par cette puissance même qui nous a soumis et nous réclamons notre part de cette puissance. Nous sommes fascinés par le G8, nous sommes fascinés par le Conseil de sécurité, par leur modernité et donc par celui qui va l’incarner pour nous. Obama président des States, c’est moi, c’est toi qui dirige le monde. Désormais, on fait partie de la race des seigneurs. Cet état de fait est au cœur de notre impuissance à nous libérer de la suprématie occidentale. Elle est constitutive de ce que nous sommes, nous la protégeons. Nous sommes ses sentinelles.

Obama, c’est notre triste revanche sur l’histoire. J’ai pitié de nous. Voyez comment Ils, les Blancs, nous regardent d’un œil satisfait et sarcastique !

Une à qui on ne la fait pas, c’est Angela Davis : « Quand l’intégration de personnes noires dans l’appareil d’oppression a pour but de rendre cette oppression plus efficace, cela ne représente en aucune façon un progrès. Nous avons plus de Noirs dans des postes de pouvoirs prestigieux. Mais du même coup nous avons plus de Noirs qui se sont retrouvés poussés tout en bas de l’échelle. Quand la population demande que la justice et l’égalité passent par la diversité ethnique, c’est bien. Mais il y a une façon d’envisager la diversité qui rappelle l’adage selon lequel « pour que rien ne change, il faut accepter que tout change ». »

Houria Bouteldja

Cet article est paru dans le numéro treize (octobre 2008) de « L’Indigène de la république ».

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *