Intervention d’Houria Bouteldja, porte-parole du PIR, à l’université de Berkeley lors du colloque “Islamophobia production and re-defining the global security agenda for the 21st century”, Houria Bouteldja pour les nuls
Discours

Intervention d’Houria Bouteldja, porte-parole du PIR, à l’université de Berkeley lors du colloque “Islamophobia production and re-defining the global security agenda for the 21st century”

Je remercie l’université de Berkeley pour avoir invité le Parti des Indigènes de la République. Je remercie également les organisateurs de consacrer ces deux jours à ce phénomène qu’est l’islamophobie et dont, je crois, on ne mesure pas suffisamment la nocivité.

Je me présente : je fais partie d’une organisation qui se situe dans un des centres de l’empire occidental, la France, qui vient de se distinguer par deux interventions militaires, en Libye et en Côte d’Ivoire. Bien sûr avec des prétextes parfaitement humanistes, prétextes inusables et increvables puisque ce sont ceux qui sont utilisés depuis 400 ou 500 ans avec la meilleure bonne conscience. Comme vous le savez, il y a 50 ans que les indépendances africaines ont eu lieu. Elles restent inachevées comme a pu le montrer au grand jour la révolution tunisienne. Notre parti, au cœur de la France, a pour projet de poursuivre le combat décolonial.

En France comme aux USA, l’islamophobie est une arme idéologique à la fois pour justifier des guerres impérialistes mais également pour discriminer et exclure les populations musulmanes ou considérées comme telles qui vivent sur le territoire européen. L’islamophobie est un racisme. Elle infériorise Et les musulmans Et l’islam. Faire reconnaître l’islamophobie comme un racisme est un combat en soi car elle est volontairement et vicieusement confondue avec la critique légitime ou pas de l’islam.

Je voudrais rappeler ici l’affaire des caricatures du prophète Mohamed. Au nom de la liberté d’expression, un magazine de gauche très connu « Charlie Hebdo » a décidé de publier ces caricatures feignant de croire que les musulmans de France avaient des velléités de censure et qu’ils avaient le pouvoir de le faire. C’est ainsi que les promoteurs du débat ont inversé les rapports de pouvoir se faisant passer pour des victimes et les musulmans comme des va-t’en guerre. Face à l’offensive, des organisations musulmanes ont porté plainte. Et cela a fait place à un débat national hystérique sur le thème de la liberté d’expression. Les grands partis politiques, de nombreux intellectuels médiatiques ainsi que des artistes ont soutenu la publication de ces caricatures se positionnant ainsi dans le combat des « Lumières » contre l’ « Obscurantisme ». Ce fut un débat fondé sur un mensonge. D’une part, rappelons que les musulmans de France font partie des couches sociales les plus défavorisées, qu’ils n’ont pas d’organisations politiques indépendantes pour défendre leurs intérêts, et ne sont pas organisés en lobby pour faire pression…Ils n’ont pas le pouvoir de censurer la liberté d’expression. Par ailleurs, si la liberté d’expression est effectivement menacée c’est par les grands groupes financiers qui ont racheté la plupart des journaux et médias d’opinion et par l’ingérence des grandes forces politiques dans les grandes rédactions. Malheureusement, nous n’avons pas eu la chance d’avoir un débat de l’ampleur des caricatures sur ce sujet. Le système a préféré s’attaquer aux faibles. Notre réaction fut de rétablir la vérité. Nous avons affirmé notre attachement à a liberté d’expression. Nous avons dit « Vous avez le droit de publier ces caricatures. Mais ce que nous demandons c’est que ces caricatures soient qualifiées, reconnues publiquement comme étant racistes et islamophobes ». Je rappelle qu’une des caricatures présentait le prophète avec un bombe sur le turban ce qui signifie purement et simplement que l’islam est criminogène en soi et cela dès l’époque de la révélation. C’est ce qui justifie aujourd’hui la guerre contre l’islam, ce qui définit l’axe du mal. Charlie Hebdo s’est ainsi situé dans le camp de Georges Bush.

Ainsi depuis plusieurs années, l’islam est présenté comme un corps étranger et hostile à la Nation. Depuis le 11 septembre, se succèdent un tas de débats sur l’intégrisme religieux, la condition des femmes musulmanes, l’identité nationale, la laïcité… Cette propagande va au-delà de la France, elle, s’étend à toute l’Europe. L’islamophobie vise tant les individus que les institutions (les lieux de cultes, les mosquées, les cimetières musulmans). Par exemple, dans la nuit du 5 au 6 avril 2008, 148 tombes musulmanes sont profanées au cimetière militaire de Notre Dame de Lorette. En 2010, la progression des actes islamophobes qu’ils visent des individus ou des institutions se poursuit. On note 26 % de croissance des actes contre des individus et 71 % contre des institutions. Si les chiffres et les statistiques vous intéressent, j’ai remis au département d’études ethniques de Berkeley le rapport 2010 sur l’islamophobie en France établi par le CCIF (Collectif contre l’islamophobie en France). C’est ce qui se fait de plus sérieux en la matière. La plupart des victimes sont des femmes, le plus souvent en tant qu’usagères des services publics. Par exemple, actuellement, des établissements scolaires interdissent à des mères de famille d’accompagner leurs enfants dans l’enceinte de l’école ou dans des sorties scolaires. Un collectif (« Mamans toutes égales »-MTE) auquel le PIR appartient vient de se créer pour les défendre. J’en profite pour vous informer qu’une pétition de soutien va bientôt être en circulation. Je vous invite à la signer.

L’islamophobie reste malgré tout sous-estimée car tous les actes ne sont pas déclarés. Et lorsqu’ils le sont, la police les rejette la plupart du temps.

Pour conclure, j’aimerais souligner que l’islamophobie n’est pas le seul racisme en France. Le racisme envers les Noirs est tout aussi fort. Il discrimine tout aussi massivement mais ses modes opératoires ne sont pas les mêmes. Ni même son expression publique. Notre combat doit être d’unir toutes les populations qui souffrent du racisme postcolonial car il a une même origine : le fait colonial et esclavagiste, une même réalité sociale : la discrimination, le ghetto et l‘exclusion, une même finalité : le maintien des privilèges entre les mains des dominants.

Houria Bouteldja

Lire le rapport 2010 du CCIF : http://islamophobie.net/art_read.php?ai=572

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